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Violences et vandalisme : la forte implication des mineurs interpelle

Le mouvement GenZ212, initialement né de revendications légitimes d’une jeunesse consciente et connectée, a rapidement dévié de sa vocation première. Dans plusieurs villes, les figures initiales de la Génération Z ont été supplantées par des mineurs, parfois âgés d’à peine 12 ans, devenus les principaux acteurs de la casse et du vandalisme. Cette transformation radicale soulève de sérieuses questions quant aux rôles parental et sociétal.

L’intrusion massive de ces jeunes mineurs a métamorphosé le caractère des manifestations, les détournant de leur objectif de protestation pour les transformer en scènes de violence et de dégradations. Des incidents particulièrement graves ont été rapportés la nuit du 1ᵉʳ octobre, notamment à Agadir et à Salé, où les débordements semblaient davantage alimentés par une énergie brute et incontrôlée que par une conscience politique, ciblant délibérément le bien public. Le constat dressé par le ministère de l’Intérieur est éloquent : 70% des participants à ces actes étaient des mineurs, une proportion qui a même atteint 100% dans certains groupes impliqués.

La présence aussi massive de mineurs, parfois très jeunes et engagés dans des actes de vandalisme à des heures tardives, interpelle directement sur la responsabilité parentale. Cette absence d'intervention de l'autorité domestique n'est pas un simple détail sociologique ; elle révèle un effacement des cadres familiaux, une défaillance d'encadrement qui fait peser sur l'espace public des responsabilités éducatives qui auraient dû être assumées en amont. La société se trouve ainsi à devoir gérer une violence qui aurait dû être contenue par l'autorité parentale. Il est impératif de souligner que "casser ne construit rien. Casser, c’est effacer l’espace du dialogue."

Pourtant, les revendications initiales de cette contestation demeuraient profondément légitimes : l'accès à une meilleure santé, à une éducation solide, à l'emploi et à la dignité. Autant d'aspirations fondamentales portées par une génération désireuse de prendre son avenir en main. Malheureusement, cette dérive vers le vandalisme brouille les cartes, réduisant considérablement le capital de sympathie dont bénéficiaient ces demandes et décrédibilisant, par la violence, des exigences pourtant universellement reconnues.

Interrogé par Médias24, le Dr Fouad Benbouazza, psychologue et sociologue, analyse cette crise comme un phénomène qui dépasse la seule dimension conjoncturelle. Il observe que la socialisation parentale a perdu son monopole éducatif, désormais concurrencée par l'influence omniprésente des portables, des réseaux sociaux et de l'intelligence artificielle, qu'il qualifie de "socialisation de l'everywhere". L'école porte également une part majeure de responsabilité dans cette dérive, selon le Dr Benbouazza. Il dénonce une "faillite éducative" de l'école néolibérale, qui perçoit l'enfant comme un client plutôt qu'un être, ainsi qu'une "faillite de l'école publique", devenue une institution sans âme où l'élève ne bénéficie pas du traitement favorable à sa dignité. Cet espace public éducatif concentre désormais des "phénomènes morbides", où l'absence de sens critique et d'innovation dans le système éducatif marocain entretient un sentiment de peur et de passivité.

Le Dr Benbouazza met également en lumière l'impact de la mondialisation, qui n'a pas seulement transformé l'économie, mais a aussi généré une profonde pression psychosociale sur la jeunesse marocaine. Le système économique actuel, par ses exigences élevées et ses valeurs de performance et d'indépendance, engendre un sentiment de culpabilité chez les jeunes qui peinent à suivre ce rythme soutenu. Enfin, notre interlocuteur insiste sur la responsabilité du gouvernement et des institutions politiques. Selon lui, les jeunes ne croient plus à la légitimité de ces institutions, comme en témoignent un taux d'abstention élevé lors des élections et l'incapacité du système politique marocain, encore fortement ancré dans la tradition, à intégrer la modernité politique occidentale. Ce manque d'écoute institutionnelle ne fait que renforcer leur désenchantement, les jeunes d'aujourd'hui ne se sentant ni représentés politiquement ni identifiés aux modèles qui leur sont proposés.

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